En architecture, ce siècle va succéder aux dernières années d’un conservatisme exprimé par le courant gothique, rapidement supplanté par les maîtres de la Renaissance : Gambello, Lombardo, Codussi, Rizzo, Palladio.
La République a perdu le prestige de ses possessions sur terre et sa suprématie en Orient. Elle va s’adonner au culte de sa propre image, de sa sagesse, de son esprit de liberté, en se fiant aux qualités de sa classe dirigeante.
Elle tient à sa réputation de « triomphante cité« , à sa réputation de distributeur commercial que favorise sa situation géographique, au débouché de nombreuses voies de communication européennes.
Jamais les marchands étrangers ne furent si nombreux.
Contribuer à la splendeur de la ville reste un devoir impérieux pour l’Etat comme pour les particuliers. Adapter l’architecture à une disposition urbaine préexistante constitue la ligne directrice.
Peu à peu l’ordre classique va se substituer aux couleurs byzantines et gothiques.
Une mutation radicale va se produire dans la sensibilité artistique, une nouvelle manière annoncera le courant Baroque.
- Les édifices religieux
L’Eglise du Redentore
Pour conjurer la peste de 1576, la République prend l’initiative de faire ériger l‘église du Rédempteur (Redentore) dans l’île de la Giudecca. Sur un projet du grand artiste Andrea Palladio les travaux commencent rapidement. L’oeuvre est terminée en 1592.
L’église a une magnifique nef unique flanquée de chaque côté de trois chapelles communicantes. Le transept est un carré surmonté par la coupole. Le maître-autel est séparé du choeur par une colonnade semi-circulaire.
Un blanc éblouissant, des proportions élégantes, une coupole et une façade qui semblent n’être que d’un seul bloc, Palladio a accompli ici son oeuvre avec une maîtrise impressionnante.
San Giorgo Maggiore
Palladio réalise aussi l’église et le monastère de Saint Georges (San Giorgo Maggiore) dans la petite île du même nom, à compter de 1559.
L’oeuvre sera terminée en 1614 par Simone Sorella. Cest le pendant idéal de l’ensemble San Marco de l’autre côté du bassin.
Ses réminiscences classiques sont très élégantes.
A l’intérieur de l’église la lumière l’illumine par les larges verrières latérales.
Les hautes colonnes, les pilastres, les ouvertures en arcades contribuent à une harmonie sereine et solennelle.
- Les Bâtiments publics
Les bâtiments publics de ce courant Renaissance sont prestigieux et nombreux, marqués par la puissance des nouvelles proportions.
Sur la Piazza San Marco, l’édification des Procuraties (anciennes) est achevée entre 1512 et 1530. C’est l’oeuvre de Bartolomeo Bon et de Gugliemo Grigi.
Avec une ampleur de deux étages et un couronnement de créneaux, avec une succession de cinquante arcs en plein cintre au rez-de-chaussée et les étages en fenêtres doubles, l’édifice est remarquable d’harmonie et d’homogénéité.
L’Hôtel de la Monnaie, la Zecca
Ce palais de la finance avait été transféré du Rialto à Saint Marc dès 1277.
Il fut entièrement reconstruit de 1537 à 1545, en partie par Jacopo Sansovino qui en avait établi le projet et qui a fait ajouter un troisième étage à compter de 1588.
L’édifice a un aspect un peu sévère et martial, voulu par des bossages très prononcés au rez-de-chaussée. Les chapiteaux simples des colonnes évoquent le sérieux d’un bâtiment qui avait la fonction industrielle de fonderie.
L’édifice fait maintenant partie de la bibliothèque Marciana dénommée aussi Libreria qui date du milieu du 16e siècle.
C’est Sansovino qui l’a faite construire, introduisant un nouveau style « à la Romaine« , richement décoré pour tenir compte de l’architecture de la Piazza.
Elle donne sur la Piazzetta et se termine sur le quai de la lagune. C’est une des plus riches bibliothèques d’Italie. Le grand salon est d’une somptuosité de prestige.
Le Palais des Camerlinghi
Au tournant du Rialto, le Palais des Camerlinghi a été édifié, de 1525 à 1528 pour être le siège de plusieurs magistratures dont celle des Camerlingues (trésoriers municipaux).
L’architecte en est probablement Gugliemo de Bergame. Placé près du pont, il a cinq faces entièrement habillées de marbre pour souligner l’importance de sa fonction.
Le Fondaco dei Tedeschi
Il faut signaler l’importante construction du Fondaco dei Tedeschi (rive gauche), l’entrepôt de commerce des marchands allemands.
Le bâtiment combinait logis et salles des marchandises.
Sa façade très importante est d’une grande sobriété sévère, qui le distingue des palais privés du Grand Canal.
Elle était décorée de fresques des peintres Giorgione et Titien. On pouvait la visiter jusqu’à il y a peu de temps car c’était le siège de la poste centrale.
Les palais des particuliers connaissent au 16e siècle, après les périodes d’architecture byzantine et gothique, un ordre classique éliminant peu à peu les couleurs et privilégiant la blanche pierre d’Istrie.
Ce sont surtout les architectes-artistes Antonio Da Ponte, Vincenzo Scamozzi, Antonio Contin et Andrea Palladio, qui contribueront à la splendeur de la ville en s’adaptant à la disposition urbaine préexistante en donnant aux palais la puissance de nouvelles proportions, dans une architecture grandiose et monumentale d’apparat.
De nombreux grands palais vont répondre à cette définition de rapport et de rythme classique, façades scandées en plusieurs niveaux avec saillie des corniches, tympans et pilastres.
La Ca’ Corner, l’une des plus grandes, la Ca’ Grimani, la Ca’ Balbi, la Ca’ Coccina-Tiepolo, toutes sur le Grand Canal, sont construites dans cet esprit.
Les campi (places) sont dotés de nouvelles maisons particulières, souvent en location par appartement, aux fenêtres polygéminées, aux colonnettes et balcons délicieux.
Enfin, il faut se souvenir qu’entre 1588 et 1591, le pont du Rialto a été reconstruit, en pierre par Da Ponte.